Sororité

Comment Wonder Woman ignore les Femmes Noires ? Partie 1

Comment le film « Wonder Woman » ignore le Femmes Noires et le féminisme intersectionnel ? 

Revenons un peu sur ce film sorti en 2017 qui restera malheureusement un exemple de l’indifférence du féminisme à l’égard de l’intersectionnalité.

Tout d’abord, l’actrice principale de « Wonder Woman » est une super héroïne qui a maintenant plus de 75 ans d’existence. C’est dire combien ce film était attendu. Et oui! Voir un personnage féminin incarner un rôle de super-héros est encore rare au cinéma. Malheureusement, l’industrie du divertissement laisse encore trop souvent les femmes occuper des rôles secondaires.

Dès sa sortie, « Wonder Woman » a battu des records avec plus de 100 millions de dollars de recettes. Beaucoup de femmes blanches ont été ravies de se voir représentées à travers le personnage de Diana Prince (interprété par Gal Gadot). Elle est résolument féministe et déterminée et optimiste face à l’adversité. Elle symbolise aussi le dévouement à l’auto-détermination des femmes. Cependant, je me suis demandée ce que pouvait représenter ce film dit « féministe » pour les femmes Noires.

Que nous renvoie ce film avec l’effacement des femmes Noires et le manque d’inclusion?

Quand on parle du féminisme dominant, on constate souvent que les questions identitaires s’effacent au profit de la blanchité qui prend le dessus sur les questions de race et d’égalité des sexes. Cela s’avère extrêmement problématique.

Alors oui, « Wonder Woman » est un film divertissant et agréable à regarder avec des couleurs vives, la touche féminine de la réalisatrice Patty Jenkins et le teint hâlé de la super héroïne qui rappelle ses origines méditerranéennes. Je me suis surprise moi-même en train d’encourager Diana à débarrasser le monde d’Arès, le dieu de la guerre et à apporter la paix dans le monde.

Malheureusement, comme dans beaucoup de films qui abordent des questions féministes comme « Mona Lisa Smile », « The Help » ou encore « Mad Max : Fury Road », j’ai encore une fois constaté que ce film abordait le féminisme de manière sélective, c’est-à-dire pour une communauté très spécifique de personnes qui ne me ressemblent pas.

En effet, dans ce film, les seules femmes noires représentées étaient des Amazones vivant sur Themyscira, l’île cachée où Diana et son peuple vivent en paix et sans hommes. La première femme noire que nous rencontrons est la gouvernante de Diana, une représentation hyper stéréotypée de la « Mama ». Prenant racine dans la traite négrière transatlantique, les « Mamas » étaient souvent des domestiques qui prenaient soin de la maison et des enfants blancs des propriétaires d’esclaves. Après l’abolition de l’esclavage, des familles blanches les embauchaient en leur proposant des revenus très faibles.

Encore aujourd’hui, le concept hyper stéréotypé de « Mama » renvoie à une femme noire d’un certain âge, toujours souriante, résiliante, qui prend soin des autres sans jamais se plaindre, sans avoir une quelconque autonomie ni indépendance. Cette image offre à beaucoup de personnes blanches un sentiment de réconfort dans leur propre suprématie en créant l’illusion que la « Mama » fait son travail par amour et dévotion, et non par nécessité ou survie.

Dans ces conditions, il est vraiment navrant de voir que la première représentation de la femme noire dans ce film apparaît sur l’île de Themyscira dans un rôle aussi stéréotypé! En effet, il s’agit d’un stéréotype contre lequel les femmes noires se battent depuis des lustres. De plus, j’ai également trouvé que le film jouait sur l’ambiguïté raciale de Diana (qui est finalement identifiée en tant que femme blanche), son teint hâlé était censé refléter toutes les femmes du monde pour créer une connexion avec le public.

Quand aux autres femmes noires du film, ce sont toutes des Amazones que l’on ne voit que pendant les 20 premières minutes du film. Ce qui est dommage, c’est que l’accent mis sur leur force physique est très gênant et réducteur. En effet, limiter le peuple Noir à sa force physique voire brute remonte aux ventes aux enchères d’esclaves, où la valeur d’une personne noire était directement liée à la façon dont ils/elles étaient physiquement en forme.

Cette justification réductrice et raciste a, plus tard, justifié l’hypothèse selon laquelle les personnes noires étaient physiquement plus fortes que les autres races en raison de différences génétiques. Encore aujourd’hui, des femmes noires sportives comme Serena Williams font l’objet de moqueries et critiques acerbes à cause de leur force physique qualifié de « trop musclé » ou trop « masculin » qui dévaloriseraient leur féminité. Quel dommage d’entendre encore de tels propos!

De plus, dans « Wonder Woman » l’accent mis de manière exagérée sur la force physique des Amazones noires montre autre chose de gênant : La limitation de leur prise de paroles. Ces femmes sont montrées sur une période de courte durée, tout est mis sur leur force physique et elles sont à peine nommées. Bref! Ceci vient encore alimenter les mêmes stéréotypes fatigants sur les personnes noires qui sont réduites au silence.

Un autre passage du film m’a aussi beaucoup dérangé au sujet de la race. Il s’agit d’une blague entre Diana et Etta (interprétée par Lucy Davis), la secrétaire de Steve Trevor. Quand Etta termine son boulot, Diana lui répond : « D’où je viens, on appelle ça de l’esclavage. »

Cette conversation, qui sous-entend que personne ne choisirait de son plein gré l’esclavage, vient tout simplement ignorer la situation des personnes noires et des autres personnes de couleur pour qui l’esclavage n’était pas un choix. L’esclavage restera une partie très douloureuse de l’histoire avec des répercussions ressenties encore aujourd’hui dans la société. J’ai trouvé que cet échange n’était pas anodin tellement il était sourd et insensible à une partie de l’histoire. Cela vient renforcer le mépris du film pour les questions raciales et le féminisme intersectionnel.

Historiquement, il faut savoir que les femmes noires ont joué un rôle important dans les bandes dessinées et les médias de « Wonder Woman » bien avant le film. On peut aussi le voir dans Black Panther, avec les Dora Milaje. Les Amazones noires étaient extraordinaires et visibles grâce à leurs propres histoires. Les bandes dessinées montré une image bien plus positive et plus inclusive de la vie sur Themyscira. Dans la bande dessinée, Philippus est la cheffe de l’armée des Amazones et a joué un rôle important dans l’éducation de Diana en lui apprenant notamment à se battre. Diana a aussi une soeur noire nommée Nubia, mais elles se rencontrent bien plus tard dans l’histoire de Diana.

Malgré l’existence de femmes noires jouant des rôles importants dans les bandes dessinées, leur effacement de l’adaptation du film prouve que l’inclusion des femmes noires et leurs histoires ne sont toujours pas une priorité pour le féminisme mainstream.

Pendant ce temps, Wonder Woman offre aux femmes blanches la possibilité d’exister d’une manière plus nuancée, multiforme et humanisée. On voit les complexités de la reine Hippolyta qui veut que Diana soit élevée comme une femme forte et gentille. On voit Diana, dans sa naïveté et sa ferme détermination de sauver l’humanité d’elle-même, s’installer fermement dans le costume du Sauveur Blanc à travers son affirmation sans équivoque que l’humanité est imparfaite et a besoin de son aide.

Elle ne prend jamais le temps de demander exactement comment et si son aide est désirée. Mais bon, on lui pardonne et on l’aime malgré tout, parce que c’est une super héroïne que nous pouvons tous et toutes l’admirer et nous inspirer pour être une meilleure version de nous-même. On est censé l’aimer, et on le fait, sans aucun doute parce que, malgré ses imperfections, elle est juste et courageuse.

Cependant, les rares femmes noires dans le film n’occupent pas cette place. Elles n’ont pas le luxe de l’humanisation et n’ont pas le droit à des représentations multiples et complexes qui restent l’apanage de Diana et des personnages blancs. L’effacement choisi du film des femmes non blanches et cette hypocrisie sur les questions raciales envoie un message subliminal très clair : Seules les femmes blanches comptent!

Il est important que cela ne soit pas négligé car le féminisme sans intersectionnalité est limité. Cela incite à se questionner sur notre place dans la société et à démanteler le racisme et la suprématie blanche. Voilà pourquoi Wonder Woman est un film qui méprise les femmes noires et renforce certains stéréotypes. Et si Diana était une vraie icône féministe qui se bat pour toutes les personnes dans le besoin, elle devrait alors travailler avec autant de courage et de vaillance contre les inégalités raciales, contre le sexisme et se battre pour plus de justice sociale en mettant de côté ses privilèges!

Oui, Wonder Woman est un film divertissant et magnifiquement réalisé par une femme. Cependant, toutes ces choses ne le rendent pas parfait, et pour que les prochaines adaptations de ce film soient réussies, cette super-héroïne a encore beaucoup de travail à faire.

Et vous? Qu’avez vous pensé de ce film? On verra dans une seconde partie, comment le concept de « Wonder Woman » nous fragilise dans notre quotidien…. Affaire à suivre!

Sources: Harpersbazaar.com

kidji

"Always higher and further together!" N'ayons pas peur de rêver et de voir la vie en GRAND!
Kidjiworld est un blog qui vous fait rentrer dans mon univers.
Joyeuse et optimiste dans la vie, je tente de faire en sorte que cela transparaisse dans mes lignes que je vous livre ici.
A très vite!

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