Se réunir pour se découvrir et ainsi renforcer notre sororité! »
@candaces
Hello tout le monde!
J’espère que vous allez bien?
Jeudi 1er juillet, j’ai eu le plaisir d’être l’invitée d’honneur du groupe Candaces pour partager mes expériences professionnelles sur le thème du racisme au travail.
Suite à cette dernière rencontre, je tenais à partager avec vous nos échanges riches en émotions et en partages d’expériences.
Tout d’abord, au sujet des Candaces: Il s’agit d’un groupe de discussions qui s’adresse à toutes les femmes assignées Femmes Noires ou Métisses Noires. C’est un groupe apolitique qui prône l’ouverture d’esprit.
L’idée de ce groupe est de pouvoir se réunir, entre nous Femmes Noires, afin de partager nos expériences, nos vécus et nos différentes cultures sans être jugées et avec des personnes que ça intéresse. Le souhait de ce groupe est de rompre avec l’isolement de certaines d’entre nous et ainsi de combattre l’invisibilité ou la minimisation de notre quotidien.
Depuis la création de ce groupe en septembre 2020, de nombreux sujets intéressants ont déjà été abordés, comme le « black love », le colorisme ou encore la santé mentale au sein des communautés noires.
N’hésitez pas à suivre le compte instagram ======>>> Candacesgroupe
Jeudi dernier, le thème abordé était « Comment surmonter le racisme au travail? »
Comme il s’agissait de la première réunion post-confinement, le rendez-vous a eu lieu sur Paris. L’idée n’était pas de faire une conférence hyper documentée sur le sujet mais d’avoir un échange ensemble sur nos ressentis et de se nourrir des expériences des unes et des autres pour trouver des solutions.
Comme nous étions une dizaine, les discussions se sont faites de manière intimiste et dans la bienveillance.
Je dois dire que je suis ressortie de cette soirée requinquée, reboostée à bloc et surtout avec pleins de bonnes énergies. OUI! Quel beau moment de sororité!
Bon, on a toutes été d’accord pour constater que le racisme au travail est un véritable fléau quel que soit le stade de notre carrière et notre domaine professionnel.
Au passage, je voulais rappeler les différents types de discriminations:
- la discrimination raciale directe est manifeste et évidente: comme des insultes, des blagues racistes, le harcèlement, les brimades ou encore des menaces physiques ;
- la discrimination raciale peut être également indirecte, voire plus « subtile », c’est-à-dire, qu’elle peut se manifester sous-forme de micro-agressions, ou dans le cadre du plafond de verre, en matière de rémunération, de promotion ou d’absence de promotion suite à un retour de congé maternité, de classification des emplois et des mises à pied « injustifiés », ou encore se voir justifier certains avantages (comme des possibilités de formations ou des horaires flexibles).
- la discrimination raciale peut aussi prendre une autre forme comme avec l’envoi de SMS blessants, humiliants ou avec des publications sur les réseaux sociaux.
On constate encore malheureusement que beaucoup d’entre nous supportent les discriminations en silence pour « ne pas aggraver » la situation.
En effet, les raisons sont diverses : la peur de s’exprimer sur le sujet, la peur de perdre son emploi, le syndrome de l’imposteur, la peur de prendre contact avec la direction des ressources humaines, ou avec son supérieur hiérarchique, voire même les délégués du personnel (CGT, CFDT ou le CHSCT).
Nous avons toutes été d’accord sur le fait la première manière de surmonter le racisme au travail, c’est d’en PARLER! De s’exprimer sur le sujet et ne pas rester dans son mutisme car malheureusement, les actes racistes peuvent se multiplier et se banaliser, et là, le véritable enfer commence!
Bon, dès lors que l’on décide d’agir, il faut agir de manière stratégique, en mettant ses émotions de côté.
Il faut tout d’abord prendre des notes de manière très factuelle POUR SOI! Toujours avoir un petit carnet de note où l’on indique les dates, heures, noms des personnes concernées, commentaires, le type de propos tenus, les témoins, les circonstances dans lesquelles ces propos ont été tenus! Il faut prendre des notes détaillées. Il faut toujours tout sauvegarder par écrit et conserver ces informations.
Et si l’on décide d’avertir son employeur, il faudrait décrire la situation de façon claire, très factuelle et sans émotions! Toujours documenter un maximum les incidents (mails, écrits, témoignages…etc).
Dans le cadre d’une procédure de signalement, il faudrait s’adresser à son supérieur hiérarchique, aux ressources humaines. C’est toujours bien d’avoir un ou une allié.e avec soi pour traverser cette période souvent douloureuse. On vous demandera de mettre votre signalement par écrit avant de demander une réunion.
Une fois que le problème est signalé, votre employeur devra prendre des mesures pour éviter des représailles, sous peine d’engager sa propre responsabilité.
Il est donc vivement recommandé d’agir contre toute discrimination et acte répréhensible qui a lieu au travail, pour éviter de continuer à travailler dans un environnement malsain. Il ne faut pas non plus hésiter à prendre contact avec un avocat spécialisé en droit du travail.
Par ailleurs, je voulais également revenir sur comment le racisme peut contribuer à la détérioration de notre santé mentale en tant que Femmes Noires.
Le racisme est souvent un terreau fertile au burn-out, et en tant que Femme Noire, notre vulnérabilité peut être accrue à cause du cumul des problématiques en lien avec la race, le sexe, la validité, la classe et l’orientation sexuelle.
Le racisme peut conduire à un véritable sentiment d’épuisement causé par un manque d’équilibre entre notre investissement personnel et ce que l’on reçoit en retour.
Cela peut conduire à des troubles du sommeil, de l’anxiété, des crises de panique, des crises d’angoisse, des maux de tête ou des évanouissements. Et à cela, quand on rajoute la gestion de la famille à la maison, les tâches ménagères, la pression à la réussite sociale, la charge de travail trop lourde ou encore la précarité sociale, la situation des Femmes Noires peut vite dégénérer.
Il faudrait rappeler deux choses:
- CHARGE RACIALE : Energie mentale déployée par des personnes racisées en vue d’anticiper les agressions racistes quotidiennes et de lutter contre les stéréotypes qui vont modeler les comportements de nos collègues à notre égard: On va développer des stratégies de survie pour éviter au maximum les discriminations ou alors minimiser leur impact, comme modifier sa voix pour qu’elle paraisse plus « blanche », sans accent, paraître plus acceptable physiquement (cheveux lissés etc. ou encore prenons le cas d’une Femme noire mère célibataire qui ne veut pas paraître misérable, esseulée donc qui va tout faire pour ne pas s’autoriser à être médiocre ou ne pas rentrer dans un cliché etc.). La préparation mentale et physique nécessaire à ces « arrangements » est énergivore.
- CHARGE EMOTIONNELLE : Elle peut survenir quand on est face à une situation professionnelle qui nécessite de prendre en charge des missions pouvant réactiver des traumatismes liés à des expériences discriminantes.
Ces nombreuses situations auxquelles sont confrontées les Femmes Noires peuvent conduire à un isolement très marqué. Malheureusement, en tant que Femmes Noires, dans le monde du travail, on a rarement droit à l’assertivité car nous sommes souvent contraintes de déployer de gros efforts de négociation pour nous faire entendre! A cela, il faut aussi savoir naviguer entre les « sensibilités blanches » dès que l’on souhaite exprimer une souffrance sans être renvoyées au cliché de la « Angry Black Woman ». C’est pourquoi beaucoup d’entre nous se refusent d’entrer en dialogue sur ces sujets au travail et choisissent de se taire, mais à quel prix?
« Pourquoi perdrai-je encore salive et énergie à essayer de convaincre ceux et celles qui nous résument, nous êtres humains de couleur, à des nuisibles, alors je ne dis plus rien, je colle »
Lisette Lombé
QUELLES SONT LES SOLUTIONS ? Rappelons juste qu’on n’a pas attendu d’être sauvées pour se pencher sur des stratégies et des solutions de lutte et de résistance!
- Développons des stratégies de survie individuelle et collective. C’est ce qu’explique très bien la chercheuse en sociologie afro-caribéenne Carmen DIOP. C’est une pionnière des études intersectionnelles en France. Elle a écrit une thèse sur « Les Femmes Noires diplômées face au poids des représentations et des discriminations en France » Les formes de discriminations qui touchent le plus souvent les Femmes Noires sont diverses : Pressions, vexations, déni de compétences, plafond de verre et autres freins à l’évolution de carrière. Il est donc important de développer des stratégies de défense et d’éviter le déni collectif (vous savez, toutes ces choses dont on ne parle pas!). N’hésitons donc pas à créer des collectifs de Femmes Noires pour favoriser l’échange. Cela aide à prendre conscience d’une situation partagée et à réfléchir sur des stratégies collectives de lutte.
- Il existe des exercices de gestion du stresse, de respiration ou encore des cours de yoga.
- Apprenons à poser nos propres limites et à les respecter.
- Faisons appel à des cabinets médicaux, thérapeutes et psychiatres « safe » et conscients des questions intersectionnelles et des risques psycho-sociaux. Ils seront capables de les prendre en compte dans leurs diagnostic et traitements.
N’hésitons pas à faire appel aux services de l’agence Nkaliworks de Marie Dasylva, brillante coach de vie professionnelle pour personnes racisées. J’en parlais d’ailleurs dans un ancien post au sujet d’un Workshop tenu en 2016 :
Première Edition du Workshop « FEMMES NOIRES et TRAVAIL »: On dit BRAVO!
Voilà, cet article est un long mais j’espère qu’il vous sera utile!
A bientôt!
Très émouvant retour d’expérience. Est-il nécessaire de préciser qu’il s’agit de réunions non-mixtes ? Il y a des choses qui ne nécessitent point d’être dites…
Je n’arrive pas à savoir, et je n’ai aucune religion en la matière, si la situation est plus difficile ou plus compliquée pour la femme assignée en tant que noire en Occident.
Il est en revanche certain que nous avons plus de retour d’expérience des hommes que des femmes dites noires, dans le milieu professionnel en Europe et particulièrement dans les pays colonialistes.
L’expérience d’être une femme noire dans le monde professionnel en France mérite dans un premier temps d’être comparée à celle des femmes dites noires dans d’autres pays occidentaux présentant la même histoire, du style la Grande Bretagne, l’Espagne, le Portugal et moins les Etats-Unis…
Il est tellement important de se prendre en charge que je ne peux que vous encourager à poursuivre ce genre de rencontres et d’ateliers pour changer l’imaginaire de l’être noir…
Courage
Merci beaucoup pour ce retour très riche en conseil et en bienveillance!
En effet, il serait utile de pouvoir faire un comparatif de la situation professionnelle des femmes Noires en Europe mais il est plus facile de trouver des études sur le sujet aux Etats-Unis et au Canada.
En France, faute de statistiques ethniques publiques, le sujet reste tabou …
A bientôt ☺️