Non, Kim Kardashian West et Beyoncé ne sont pas pareilles!

« J’imagine que je suis une féministe des temps modernes. Je crois en l’égalité. Pourquoi faut-il choisir quel type de femme être ? Pourquoi faut-il se ranger dans une certaine catégorie ? Je suis simplement une femme, et j’aime être une femme. Si vous êtes attirante, alors vous ne pouvez pas être sexy ou intelligente ? Qu’est-ce que ça signifie tout ça ? Je crois en la parité et je crois que nous avons encore du chemin à parcourir ; c’est quelque chose qui a été négligé et que nous avons été conditionnées à accepter. » Beyoncé

J’aime vraiment la position d’Amber Rose sur le féminisme contemporain et la liberté sexuelle. Elle s’approprie des idées qui semblent encore trop souvent stériles et universitaires et elle les rend plus accessibles et compréhensibles auprès de personnes qui pourraient manquer d’informations sur les théories féministes.

Le travail d’Amber Rose est important, mais la théorie a sa place. Les théories définissent des interventions importantes concernant la pensée conventionnelle et grâce aux réseaux sociaux, elles touchent désormais un large public.

Cependant, sur la base de certains de ses récents commentaires, il semblerait qu’Amber Rose ait besoin de passer plus de temps à étudier quelque chose d’important: l’intersectionnalité.

Dans une interview récente du magazine « The Daily Beast », Amber Rose évoque la différence de traitement entre elle et Kim Kardashian West en comparaison à celui réservé à Beyoncé; comme si elles étaient constamment soumises à un examen de respectabilité.

« On s’en prend à moi et Kim parce que j’étais strip-teaseuse et qu’elle a fait une sex-tape » dit-elle. « On aime tous Beyoncé, mais elle est tout le temps à moitié nue sur scène entrain de twerker, mais les gens disent « Oh elle a du talent donc elle est autorisée à le faire. »« 

Amber Rose a continué de réaffirmer l’un des points les plus exaspérants du féminisme blanc, « …mais au bout du compte, à la fin de la journée on est toutes des femmes et on devrait toutes s’accepter. »

Amber Rose parle des manières dont elle, Kim Kardashian West et Beyoncé vivent leur sexualité. Les mandats du patriarcat exigent des hommes qui soient les seuls à profiter du corps des femmes, et ces femmes défient cette notion. Mais la comparaison d’Amber Rose manque de considérations cruciales de race, de classe et de la manière dont leurs intersections façonnent la vie des femmes.

Non, nous ne sommes pas toutes les mêmes.

Malheureusement, encore aujourd’hui, une femme libérée de certaines mœurs sociales doit supporter les critiques les plus abjectes. Le cas de Beyoncé n’est pas différent. Pas uniquement parce que Beyoncé n’a pas été protégée du « slut-shaming » (NDLR: traduction de « couvrir les salopes de honte »), mais parce qu’à tout moment, elle est sujette à la misogynoir et à une politique de respectabilité.

Vous ne vivez simplement pas dans la réalité si vous croyez que Beyoncé ne supporte pas les contrecoups de sa liberté sexuelle. Par exemple, l’année dernière Louis Farrakhan a vivement recommandé à Jay-Z de « cacher » sa femme. Ses mots soulignent la manière dont les femmes noires devraient être exposées comme des exemples de moralité pour leur communauté, ce qui ne laisse aucun espace pour le plaisir ou l’expression.

Ce genre de commentaires peut émaner de différents publics, en partie parce qu’elle est l’une des plus grandes chanteuses du monde, ces commentaires sont juste des sous-produits dérivés d’un problème social auquel l’artiste ne peut échapper.

Comparer Kim Kardashian West à Beyoncé sans prendre en compte la chose qui a permis à Kim et à sa famille entière de prospérer malgré la fuite de sa sex-tape est une analyse de féministe insuffisante.

La blancheur se prononce toujours en faveur de Kim. On n’a pas besoin de répéter que la richesse et la visibilité qu’elle a obtenues après la sex-tape sont simplement inimaginables pour une femme Noire ou une femme de couleur.

Par ailleurs, Amber Rose a faussé la donne sur son compte Twitter en expliquant qu’elle parlait en fait de « classism » (NDLR: Différence de traitement en fonction de la race, de la classe, du sexe, de l’orientation sexuelle et autres formes d’oppression).

Mais ce n’est pas ça non plus.

Comparer une femme Noire incroyablement riche à une autre femme blanche incroyablement riche n’a pas vraiment d’intérêts. Bien que sa tentative de trouver un point commun avec Kim est intéressante, Amber Rose n’est pas traitée comme Kim et ne le sera jamais.

Kim Kardashian West a grandi dans une banlieue tranquille du Sud de la Californie et, la semaine dernière, elle s’est vantée d’avoir récolté la somme de 85 millions de dollars grâce à son jeu vidéo. La fortune de Beyoncé rend sa vie beaucoup plus facile et en fait, il importe qu’elle l’ait acquise de manière différente.

L’importance de l’intersectionnalité nous ramène aussi à l’adage suivant « faire deux fois plus pour obtenir au moins la moitié », cette phrase que les aînés nous répètent souvent. Depuis qu’elle est enfant, Beyoncé et les gardiens de sa carrière ont méticuleusement géré son image publique. Elle est souvent célébrée pour son éthique professionnelle et son talent, et face à certaines prises de position rétrogrades (venant notamment de chaînes de télévision très conservatrices comme Fox News), elle montre à travers sa liberté artistique que l’on peut être sexy, féminine, émancipée ET féministe.

Clairement, Amber Rose a eu de bonnes intentions. Cependant, en tant que femmes, nous ne gagnons rien à minimiser nos différences pourtant réelles et leurs conséquences sociales pour contrer la misogynie. Le fait d’évoquer l’exceptionnalisme de Beyoncé n’a simplement pas produit l’effet qu’elle avait espéré.

Au lieu de cela, elle a mis en évidence qu’un féminisme qui manque d’une rigoureuse analyse intersectionnelle est, en fin de compte, sans valeur.

For Harriet