Hello!
J’espère que vous allez bien.
Aujourd’hui, je souhaite partager avec vous un ouvrage captivant que je viens de terminer : « Féminismes et Pop Culture » de Jennifer Padjemi.
A PROPOS DE L’AUTEURE: Journaliste indépendante et critique, Jennifer Padjemi a co-fondé la newsletter « What’s Good » et créé le podcast « Miroir, Miroir » (Binge Audio) qui traite des représentations du corps et de l’apparence (Prix OUT d’Or du meilleur podcast en 2019). Pour en savoir plus sur son parcours, je vous invite à relire cet article de 2016 :
Comme l’indique très clairement l’auteure dans son introduction, il ne s’agit pas d’un énième ouvrage sur les théories et les mouvements féministes. Il s’agit d’un essai documenté et engagé où Jennifer nous montre, avec son vécu de femme noire, comment LES féminismes et la culture populaire peuvent s’entrechoquer.
Ce livre de plus de 300 pages parle de femmes d’influence dans les milieux de la musique, la mode, la littérature, les séries TV ou encore les réseaux sociaux. Toujours en se basant sur ses propres expériences, Jennifer s’interroge sur le genre, la sexualité et le féminisme intersectionnel.
Comment la culture mainstream peut-elle nous influencer au quotidien à travers des géants comme Netflix, Instagram ou des clips vidéos que l’on regarde à la télé ?
En parlant de la productrice Shonda Rhimes, de la série « Sex and the City », du mouvement LGBTQ ou encore de la masculinité toxique, ce que j’ai beaucoup apprécié dans cet essai, c’est le regard interrogatif que porte Jennifer sur la société actuelle. J’ai eu le sentiment de lire son journal hebdomadaire accompagné d’une multitude de petits Post-it qui t’indiquent d’aller revoir « Grey’s Anatomy » ou « Orange Is The New Black »!
Jennifer lance des pistes de réflexion sur les liens qu’entretiennent les mouvements féministes modernes et la culture de masse. Elle nous invite aussi à nous poser des questions sur cette alliance qui peut être souvent enrichissante, parfois problématique mais toujours pimentée.
J’ai adoré lire ces chapitres qui m’ont parfois rendue nostalgique à cause de certains épisodes de séries qui ont été marquants pour moi. Jennifer décortique avec magie certains épisodes de la série « How to Get Away With Murder » où l’actrice Viola Davis rentre chez elle, se démaquille et enlève sa perruque. Voir pour la première fois cette scène dans une série et me replonger dans cet épisode touchant et très intime me rappelle combien la vie de femme noire au travail peut être harassante et pouvoir ôter son masque pour montrer sa vulnérabilité dans un endroit safe est nécessaire.
Pendant de nombreuses années, nos yeux s’étaient trop longtemps habitués à voir dans les médias des représentations de femmes noires dans des rôles très stéréotypées.
Cependant, avec l’arrivée de femmes noires occupant des postes de réalisatrices, productrices et scénaristes comme Ava Duvernay, Mara Brock Akil et Shonda Rhimes, la donne a changé! Voir comment ces femmes ont réussi à s’imposer dans l’industrie du divertissement et des médias en mettant en lumière des actrices comme Gabrielle Union, Chandra Wilson, Kerry Washington et Viola Davis est puissant et montre combien il est important de s’approprier la narrative.
On s’est habitué depuis les années 2010 à voir une diversité de femmes noires interpréter des rôles non stéréotypés dans des séries TV et ça fait du bien!
Aujourd’hui, on a le plaisir de pouvoir visionner des séries avec des femmes noires qui interprètent des femmes ordinaires où beaucoup d’entre nous peuvent s’identifier et s’interroger sur leur propre vie (Insecure).
Pourquoi suis-je sous-payée par rapport à mes collègues ? Ai-je besoin d’aller voir un thérapeute ? Est-ce que mon corps est « normal » ? Suis-je désirable ?
Et en passant, il faut absolument que je regarde la série britannique « I May Destroy You » avec la réalisatrice et actrice Michaela Coel qui indique que « Nous sommes la génération qui a décidé que si vous ne nous regardez pas, nous nous regarderons nous-mêmes. »
Dans d’autres chapitres, on constate amèrement que la culture populaire a ses limites. Quand on voit comment le phénomène #MeToo a été rendu populaire par l’actrice américaine Alyssa Milano alors que bien des années auparavant, ce hastag avait été créé par la militante afro-américaine Tarana Burke pour des victimes d’agressions sexuelles vivant dans des quartiers défavorisés des Etats-Unis. Encore trop souvent, le combat des femmes noires reste invisibilisé et au dernier rang.
Libérer la parole sur les réseaux sociaux à propos d’actes aussi horribles comme les violences sexuelles est fondamental, mais auparavant, il aurait été judicieux de faire quelques recherches avant d’utiliser ce hastag pour rendre à César ce qui est à César!
Idem pour la cancel culture et sa portée limitée : On constate que malgré son existence qui permet de donner la parole aux personnes oubliées et/ou méprisées dans la société, les plus forts réussissent encore trop souvent à se sortir de situations difficiles en ayant le patriarcat de leur côté.
C’est le triste souvenir que je garde de la cérémonie des Césars de 2020 où Aïssa Maïga a rappelé devant un public majoritairement blanc et silencieux qu’elle ne pouvait s’empêcher de compter les personnes noires présentes dans la salle tellement nous demeurons invisibles sur la scène médiatique française.
« On a survécu au whitewashing, au blackface, aux tonnes de rôles de dealers, de femmes de ménages à l’accent bwana, on a survécu aux rôles de terroristes, à tous les rôles de filles hypersexualisées…
Et en fait, on voudrait vous dire, on ne va pas laisser le cinéma français tranquille. »
Aïssa Maïga
La route est encore longue pour obtenir plus de justice sociale mais on a espoir que les féminismes et la culture de masse vont continuer à s’entrechoquer pour nous influencer et devenir, comme le dit si bien Jennifer, un « puissant vecteur qui peut aider à changer le monde (…). »
Féminismes et pop culture, éditions Stock, prix 20,50 €
Et toi? As-tu déjà lu cet ouvrage? Si oui, tu peux me dire ce que tu en as pensé en commentaire.
A très vite!