Hello EveryOne !
Ca y est le mois de juin vient de pointer le bout de son nez, en espérant que le Soleil soit au rendez-vous…
Je vous invite à découvrir le profil d’une jeune et jolie demoiselle qui nous vient d’une contrée lointaine où le Soleil brille toute l’année !
Bonne lecture.
Présentation.
Je m’appelle Victoria Cerqueira, je suis brésilienne et je vis à Sao Paulo.
Le portugais est ma langue maternelle. J’ai appris l’anglais dès l’âge de six ans, j’ai vécu aux Etats-Unis pendant un certain temps (pour étudier) et là je suis revenue dans mon pays.
Profession.
Economiste – dans le secteur des importations.
Pourquoi avoir choisi ce métier ?
J’ai choisi d’étudier l’économie parce qu’à l’école, j’aimais beaucoup les maths et l’histoire. Après les études, j’ai fini par travailler dans le même secteur que mon père. Je travaille avec lui aujourd’hui.
Parlez-nous d’une journée type.
Je me réveille vers 5h du matin pour me préparer et aller travailler (à Sao Paulo, les embouteillages peuvent vraiment rendre fou, il faut prendre la route très tôt pour les éviter !)
Je commence à travailler vers 8h30 pour terminer vers 16h30. Je rentre chez moi, pour me reposer, prendre une douche, dîner puis je m’endors vers 21h30.
Quel est ton parcours universitaire ?
J’ai étudié l’économie dans l’une des plus prestigieuses universités du Brésil. L’accès aux meilleurs universités du pays est très sélectif, l’entrée se fait sur examen ou concours. Je suis rentrée à l’université en 2008 et je suis sortie diplômée en 2012.
Quelles sont les difficultés rencontrées durant ton parcours ?
A la fac ? J’ai rencontré les difficultés classiques qui font partie de la vie étudiante : examens difficiles, rédaction du mémoire…
Quelles sont les avantages de cette profession ? Les inconvénients ?
Les avantages : C’est facile d’avoir un profil qui convient au job. Les économistes sont utiles dans de nombreux domaines.
Les inconvénients : Beaucoup de personnes pensent, qu’en tant qu’économiste, vous maitrisez tout concernant les banques, ou vous savez comment faire de bons investissements etc…C’est fou ! En cours, nous n’avons pas de « banking subject ». Je n’apprécie vraiment pas que les gens me demandent ce genre de conseil.
Et pour la vie de famille ?
Je vis chez mes parents et je suis en contact avec ma famille proche. C’est vraiment tranquille.
Ta place de femme dans ce milieu ? Comment la vis-tu ?
Il y a de plus en plus de femmes qui occupent des « corporate jobs ». Malheureusement, comme on le sait déjà, l’accès aux postes de « leadership » reste limité pour les femmes. Je pense que les sociétés occidentales actuelles sont encore très sexistes.
Quels sont les conseils que tu pourrais donner à une jeune fille qui aimerait faire la même chose que toi ?
Je pense que je lui demanderai d’abord d’être sûre de ce qu’elle veut vraiment faire. Quelque soit le choix de carrière, c’est important d’aimer ce que l’on fait.
Quel était ton modèle quand tu étais plus jeune ? Et pourquoi ?
Je n’avais pas spécialement de modèle quand j’étais petite. J’admirais beaucoup de monde c’est vrai : J’ai toujours aimé Nelson Mandela pour sa persévérance et son combat pour la liberté, la paix et l’unité entre les peuples.
De nos jours, j’admire beaucoup Issa Rae (actrice et écrivain afro-américaine et sénégalaise) : cette femme est impressionnante !!! Elle a fondé sa propre webserie sur Youtube Awkward Black Girl. Aujourd’hui, après avoir recueilli plus de 20 millions de pages vues et plus de 180.000 abonnés, elle est en contrat chez HBO pour des séries qui parlent de femmes afro-américaines contemporaines. Je l’aime énormément.
Michelle Obama et Sheryl Sandberg (COO de Facebook) sont également des personnes que j’admire.
A un moment donné dans ta vie, as-tu souffert de ne pas avoir de modèle ?
Non pas spécialement, mais c’est toujours bon d’avoir quelqu’un qui nous inspire.
Quel est ton produit beauté chouchou ? Ton geste beauté de tous les jours ?
J’utilise souvent de la poudre solaire ou de la crème solaire. Quand je reste chez moi, j’applique régulièrement de la crème solaire sur mon visage, plutôt que de la poudre. La protection solaire est très importante.
Je suis addict de mascara et de rouge à lèvres. Le rouge à lèvres est mon produit de beauté préféré !
Je vois que tu es « nappy », depuis combien de temps ?
Jusqu’en 2010, j’avais l’habitude de porter des tissages. J’ai arrêté de me défriser les cheveux en 2013. Je suis devenue complètement naturelle en juillet 2014, c’est à ce moment-là que j’ai décidé d’enlever mon tissage et de couper toute la partie défrisée de mes cheveux. Ce jour là, quand je suis sortie du salon, je me suis sentie LIBRE !!!!
Ca n’a pas été facile, mais j’ai eu beaucoup de soutiens autour de moi !
Et aujourd’hui, j’adore !!!
Quelle est ta routine capillaire ?
C’est très facile. Je me lave les cheveux deux fois par semaine. Une fois au milieu de la semaine quand je les lave, j’applique un après-shampoing, puis je finalise avec un gel coiffant. Le week-end, je les lave avec un « No-Poo Shampoo », je fais un traitement revitalisant en profondeur (d’au moins 1 heure), puis je me relave les cheveux pour finaliser avec un gel coiffant.
Le gel coiffant m’aide à bien redéfinir les boucles. J’aime beaucoup ce look.
J’essaie de suivre une « no-poo » routine, c’est à dire, d’utiliser des produits sans silicone, sans pétrole, sans sel, sans sulfate, sans huile minérale et autres ingrédients naturels néfastes. Je constate que les cheveux réagissent bien et se portent mieux.
A São Paulo, Est-ce que tu trouves aisément les produits de beauté dont tu as besoin ?
Non, je n’ai pas trop de difficultés pour les trouver. Je vais sur une boutique en ligne spécialisée dans la vente de produits afros et j’achète mes produits. Ca reste délicat d’acheter ces produits dans cette boutique, car il faut rester vigilant et bien lire la composition de chaque produit pour être certaine qu’ils conviendront à mes cheveux.
L’un des avantages d’avoir ses cheveux naturels c’est que je dépense moins d’argent pour l’entretien de mes cheveux !
As-tu déjà été confrontée à des commentaires négatifs concernant tes cheveux ? Comment cela est perçu sur ton lieu de travail ?
On ne m’a jamais fait de commentaires négatifs devant moi. Mais j’ai remarqué que certains n’ont pas apprécié ma décision de devenir naturelle. Ma mère par exemple. Elle a commencé à aimer une fois que je les ai coupés, quand elle les a vus courts sur moi, elle a trouvé ça plutôt sympa. Maintenant elle apprécie.
Au travail, on me fait beaucoup de compliments sur ma coiffure, mais personne ne fait de commentaire déplacé en particulier. Du moins pas devant moi (rires!).
Au Brésil, le 20 Novembre est un jour de commémoration de la « Conscience Noire ». En tant que Femme Noire, qu’est ce que ce jour symbolise pour toi ?
Le 20 Novembre est un jour qui appelle la réflexion. Penser à comment améliorer la société. Récemment, les choses se sont dégradées. Ca me fruste. Des brésiliens ont émis l’idée que pour faire disparaître le racisme, il était préférable de ne pas en parler. Ce qui est insensé !!!
Nous sommes toujours suivis par des agents de sécurité, la probabilité que des Afro brésiliens se fassent tuer par la police est 7 fois plus élevée que pour les Blancs brésiliens, les hommes Noirs sont toujours en majorité dans les prisons, les Afro Brésiliens sont plus souvent déclarés coupables après un verdict dans des affaires criminelles, voire même pour des délits mineurs. Quand vous gardez à l’esprit que les Afro brésiliens représentent 50% de la population, vous voyez la gravité de la situation.
Le Brésil est un pays très raciste, mais beaucoup de personnes dans le monde entier ne le savent pas, parce qu’ici les gens sont très mélangés et sont conscients que le racisme est quelque chose de tabou. Ici, le racisme est caché, sournois et encore très destructeur. On entend souvent des commentaires comme « Tu es jolie, tu n’es pas Noire tu es « morena » (le mot utilisé pour les personnes à la peau sombre ou bronzée) », « Tu as de beaux/vilains cheveux », …la liste est longue.
Ici, encore beaucoup d’hommes et de femmes Blanc-hes ne se sentent pas à l’aise à l’idée de présenter un ou une petit-ami-e Noir-e à leur famille, nous ne sommes jamais perçus comme un parti convenable. Les Noirs sont juste bons pour amuser la galerie, pas pour être épousé-e.
Même au Carnaval, à la base, c’était une véritable célébration de la culture Afro-brésilienne, aujourd’hui c’est devenu l’un des spectacles les plus racistes qui soient. Pendant cette période, c’est cool que vos potes Blancs vous voient avec une personne à la peau Noire, mais sans plus. Certains Blancs peuvent nous humilier et nous rejeter l’année entière, mais pendant le Carnaval, ces mêmes personnes disent que nous sommes cool !
De l’étranger, on a souvent le sentiment que le Brésil est un pays qui aime célébrer son métissage culturel sans compter ou associer les citoyens à la peau Noire, qui sont encore marginalisés ou considérés comme des citoyens de « seconde zone ». Que penses-tu de cette situation ?
C’est VRAI, parce qu’ici, à cause du métissage, personne ne cherchera à savoir d’où vient ta famille. Ils font attention à l’apparence, à ce que tu dégages. Si tu ressembles à un Noir, tu seras traité comme un Noir, si tu ressembles à un Blanc, tu seras traité comme un Blanc. Le résultat final est que, peu importe d’avoir des grands-parents Noirs, si tu ressembles à un Blanc, tu seras traité comme tel, donc mieux accepté par la société.
Le Brésil porte beaucoup de maux non guéris de l’esclavage. Nous sommes le dernier pays à avoir aboli l’esclavage en 1888, et c’était pour des raisons politiques, pas parce que c’était la bonne chose à faire.
Après quoi, les Noirs ont été rejetés comme des malpropres, sans avoir d’endroit où aller, ils n’avaient pas de moyens. Les Noirs ont juste continué à faire du travail de maison et des travaux manuels en contrepartie de très peu d’argent. Même encore aujourd’hui, la majorité des personnes qui travaillent de la sorte sont des Noirs.
L’ascension sociale pour les Noirs reste encore difficile.
Ma famille est vraiment une exception.
Ici, pour beaucoup de gens, le fait de voir que je sois Noire suppose beaucoup de choses : ils supposent que je danse très bien la samba, que je ne pourrai pas entrer à l’université, que je n’ai pas les moyens d’aller dans certaines boutiques des quartiers huppés (j’ai été suivi par des agents de sécurité dans de nombreux magasins) et que je suis généralement la seule Noire à aller dans des restaurants chics. C’est rare de voir des femmes comme moi à la TV ou dans des magazines. C’est triste c’est comme si, ce pays nous disait que les femmes comme moi ne sont pas belles. Et c’est ce qui arrive en réalité. Beaucoup de gens ici trouvent que je n’ai pas les caractéristiques de la femme séduisante.
Les femmes Noires au Brésil font partie des femmes qui restent le plus souvent célibataires au cours de leur vie. Les hommes brésiliens sont conditionnés à penser que nous ne sommes pas séduisantes.
Es-tu membre d’une association ou d’un mouvement culturel « Afro-brésilien » ?
Membre d’un mouvement en particulier non. Mais je pense que mes conversations, les articles que j’ai pu écrire à l’université et le fait que je porte mes cheveux naturels font partie d’un mouvement « Afro-brésilien », parce que ça peut inciter les gens à se pencher sur la question.
Au Brésil, à cause de notre histoire, il n’existe pas de communauté Noire comme aux Etats-Unis par exemple; donc nos manifestations contre les injustices et la violence raciale ne sont jamais fructueuses, il existe très peu de personnes militantes. Dans le passé, personne ne voulait être considéré comme Noir (il existe encore beaucoup de gens qui pensent comme ça aujourd’hui), et depuis, la généralisation du métissage de la société brésilienne, certains encore n’évoquent jamais l’existence d’un ascendant Noir dans leur famille.
C’est pourquoi, dans ce contexte, c’est difficile d’avoir une communauté de personnes qui s’intéressent aux droit des Noirs.
Au Brésil, la discrimination raciale n’a jamais fait l’objet de texte de lois, comme sous la période de Jim Crow aux Etats-Unis, donc nous n’avons jamais été « officiellement » discriminés. Mais le racisme était et est toujours visible. C’est ancré dans la culture brésilienne de tenir des propos déguisés très racistes sous-forme de commentaire innocent ou de « préférences » sans parfois réaliser que ces propos sont terribles. Et si tu indiques que telle personne a tenu des propos racistes, c’est très fréquent que d’autres te répondent que c’est TOI qui est raciste, parce que tu as pointé le sujet du doigt.
Quels sont tes futurs projets ?
J’aimerai vivre avec mon petit-ami. Je l’aime énormément mais nous ne vivons pas dans le même pays, du coup, rien n’est facile. Etre loin de la personne que l’on aime c’est vraiment très difficile.
Et j’apprends le français ! C’est dur mais j’espère pouvoir le parler prochainement. (Oh yeah ! Trilingual !). Rires.
Merci encore à Vicky et surtout on lui souhaite pleins de belles choses pour la suite!!!
Comme l’indique l’écrivaine brésilienne, Conceição Evaristo : « Ce que je souhaite, c’est une visibilité pour les femmes noires » !
Conceição Evaristo est l’une des trop rares représentantes actuelles de la littérature noire et féminine au Brésil.
Alors que son œuvre L’Histoire de Ponciá vient d’être traduite et éditée en français par les toutes jeunes éditions Anacaona, cette femme exceptionnelle nous explique à quel point la grande partie de la population noire brésilienne est aujourd’hui cantonnée à une position extrêmement subalterne. Et c’est encore pire si l’on se penche sur la situation des femmes, qui exercent des professions méprisées socialement, pour des salaires de misère.
La population qui descend des esclaves se trouve encore aujourd’hui à la base de la pyramide sociale. Il y a donc effectivement une contradiction importante, car le Brésil s’est toujours fait le chantre de la cohabitation harmonieuse, au moment où des pays comme les États-Unis ou l’Afrique du Sud pratiquaient la ségrégation raciale. En surface, cette harmonie existe. On dit que le problème est uniquement social, que les Blancs et les Noirs bénéficient des mêmes chances. C’est faux. À mesure que le Noir monte dans l’échelle sociale et commence à entrer en compétition avec des Blancs, le racisme refait surface. Il est très difficile de changer les mentalités, car la propagation des représentations ethniques et sociales ne se fait pas qu’à l’école, cela passe également par les médias. Et au Brésil, les médias sont profondément racistes.
Plus tard, après avoir étudié le mouvement de la négritude, avec des intellectuels tels que Léopold Senghor ou Aimé Césaire ou encore Franz Fanon, tous penseurs qui venaient des colonies françaises, l’écrivaine Conceição Evaristo observe un intéressant paradoxe auquel elle s’est attachée dans sa thèse de doctorat : « Souvent, c’est au sein même de la métropole colonisatrice que la pensée anticoloniale germe ; et c’est là que le colonisé apprend à penser sa propre histoire, à se rebeller ».
Un très beau portrait malgré la triste réalité de la condition de la femme Noire au Brésil… Aux quatre coins du monde les maîtres mots semblent rester les mêmes pour nous toutes : persévérance, courage, travail et african pride !!!
Merci pour cet article 🙂
Je t’en prie ma chère Esse !
En effet, quelques soient les dures réalités qui nous entourent, il faut surtout garder le cap pour aller de l’avant !
A très vite.
🙂
Pardonne- moi pour prendre longtemps por faire du commentaire ici!
J’ai adoré le post!
Merci beaucoup pour montrer um peu de ma vie sur ton blog!
kisses!
U’re welcome Girl!
Thanks for sharing your experience of black woman in Brazil, that’s just very interesting and inspiring!!
See U soon in Paris I hope!!!
Ure still in Geneva?
Kisses