Coucou!
Comme indiqué dans l’article publié dernièrement (lien ci-dessous), je tenais à partager avec vous mon nouveau coup de cœur.
Il s’agit de « Claire-Solange, âme africaine », premier roman d’une femme antillaise, ce livre a longtemps été oublié. Tout comme son auteure.
RESUME : Publié en 1924, « Claire-Solange, âme africaine » est un livre surprenant qui semble parler d’aujourd’hui.
En effet, l’héroïne, âgée de 19 ans, est la fille d’une mulâtresse morte en couches et d’un officier colonial, Étienne Hucquart.
« Elle débarque à Paris, à la veille de la première guerre mondiale, en compagnie de son père et de plusieurs membres de sa famille martiniquaise. Sa tante paternelle accueille toute la famille venue des Antilles dans son hôtel particulier du XVIe arrondissement. »
« Dans l’espoir de retenir son beau-frère et sa nièce en métropole, elle présente son filleul, Jacques Danzel, à la jeune mulâtresse. La rencontre vire rapidement à l’affrontement, car Claire-Solange a une « passion » : « Glorifier la race noire », dans une France au sommet de sa puissance coloniale. »
À peine installée chez sa bourgeoise « tante blanche », Claire-Solange revendique ses racines africaines et son identité créole.
Elle défend la « race noire », dénonce le racisme de la France coloniale et s’insurge contre la domination masculine.
« Révoltée, combative, Claire-Solange affirme ses différences avec fougue. Cependant, alors que la Première Guerre mondiale éclate, l’amour passionné qu’elle éprouve pour l’un des protagonistes va, semble-t-il, la transformer à jamais. »
A PROPOS DE L’AUTEURE : Née en 1884 à Fort-de-France, Suzanne Lacascade a un père guadeloupéen et une mère martiniquaise. Son père médecin dans la marine, a connue une belle carrière politique. En effet, il est député de la Guadeloupe puis devient gouverneur de Mayotte.
La vie de Suzanne Lacascade est très peu connue. Elle a travaillé dans l’enseignement. Elle publie son livre en 1924 et obtient en 1925 le prix Montyon de l’Académie française.
Malgré cette récompense prestigieuse, sa vie et son œuvre sont tombées dans l’oubli. Elle est pourtant une pionnière de la « négritude ». Aucune photo d’elle n’est même certifiée.
Suzanne Lacascade est une « figure d’un féminisme noir, longtemps mis de côté » et qui pourtant, est certainement apparu avant celui de l’Occident dans les années 1960.
Elle meurt en 1966 et tombe totalement dans l’oubli. Son œuvre reste pourtant toujours d’actualité.
AVIS : Pour Maryse Condé, prix Nobel alternatif de littérature, ce livre est « la première tentative littéraire faite par une femme de couleur des Antilles pour se doter de qualités originales ».
« Femme, Antillaise et mulâtresse : trop de handicaps, sans doute, aux yeux de l’Histoire ».
« Claire-Solange, âme africaine », l’unique roman de Suzanne Lacascade, aurait sombré dans l’oubli si Maryse Condé ne l’avait pas cité dans sa thèse de doctorat en 1976 consacrée au « Stéréotype du Noir dans la littérature antillaise Martinique-Guadeloupe ».
Aujourd’hui, « plusieurs chercheuses anglophones et francophones ont pris le relais, manifestant un intérêt renouvelé pour Suzanne Lacascade et l’associant aux sœurs Nardal ainsi qu’à Suzanne Roussi-Césaire, dans une relecture genrée de la négritude. »
Comme l’indique l’auteure et l’arrière-petite-nièce de Suzanne Lacascade, Emmanuelle Gall, dans la préface du roman aux éditions L’Harmattan : « Suzanne Lacascade dénonce l’esclavage, le racisme, la discrimination contre les femmes noires, tout en défendant sa culture noire antillaise et son héritage africain ».
D’ailleurs, elle utilise beaucoup le créole dans son ouvrage. Aucun autre écrivain, ni homme ni femme, ne s’était encore aventuré à raconter une histoire comme celle-ci.
Suzanne Lacascade ouvre alors la voie à ce qu’on appelle la « négritude » : Courant littéraire et politique initié dès l’entre-deux guerres mondiales par des auteurs comme Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor ou Léon-Gontran Damas, où l’on défend les valeurs et l’héritage des Noirs.
« La négritude est la simple reconnaissance du fait d’être noir, l’acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture »
Aimé Césaire
« A une époque où le colonialisme, l’assimilationnisme et les inégalités sont monnaie courante, son succès relève presque de l’exploit, voire du miracle.
Sans être une autobiographie, « Claire-Solange, âme africaine » se nourrit largement de l’histoire de son auteure.
Suzanne Lacascade a tracé un sillon solitaire et singulier, féministe, avant-coureur à plusieurs titres des pensées de la négritude ou de la créolité. »
Un livre que je vous recommande vivement!