« La réponse à l’oppression est évidemment collective. On ne peut pas imaginer sa fin sans l’établissement d’un rapport de force. Mais je vois un peu mon travail comme celui d’une ambulance : aider, “réparer” des individus. » Marie Dasylva
Hello tout le monde! Comment allez-vous?
Marie a sorti le 28 janvier aux Éditions Daronnes son premier (et certainement pas le dernier) livre : « Survivre au taf. Stratégies d’autodéfense pour personnes minorisées », et je viens juste de le terminer!
Je ne sais pas si vous connaissez Marie Dasylva, mais avant de présenter cette femme phénoménale, je voulais juste remercier le réseau social TWITTER qui m’a permis de la rencontrer. Au début des années 2010 (mince, le temps est vite passé dites-moi!), j’étais souvent sur TWITTER car j’y avais découvert pleins de comptes tenus par d’autres Femmes Noires francophones qui comprenaient les difficultés que je pouvais rencontrer dans le monde du travail. Comme ça me faisait du bien de me sentir comprise, écoutée et soutenue!
Bon, je vous explique le contexte: Après l’obtention du CAPA (Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat), je pensais naïvement avoir trouvé un moyen de ne pas être « atteinte » par le racisme, ou du moins, j’espérais que ce diplôme allait m’ouvrir les grandes portes des cabinets d’avocats parisiens tout en mettant les problématiques liées à ma couleur de peau de côté (LOL d’après moi!).
Eh ben c’était raté : Certes, j’ai pu avoir de belles opportunités pour commencer à bosser dans des grands cabinets, mais ce n’était pas pour autant que les problématiques liées à ma couleur de peau et à la misogynie allaient s’éteindre. Je me suis prise des « claques », des pics, des réflexions, du mépris, de la condescendance, des mots crus comme « Tu es juste une erreur de casting » ou encore « Tu n’as pas le profil pour bosser ici! » Bref, tout ceci a commencé à me miner le moral et me faire perdre confiance en moi.
C’est dans ce contexte de manque de confiance, de constipation répétée et de stress intériorisé que j’ai rencontré Marie. Alors, à l’époque, elle venait tout juste de s’inscrire sur TWITTER (@napilicaio) après une expérience difficile au travail en tant responsable d’une boutique de luxe et elle découvrait ce réseau et la magie que certaines rencontres pouvaient susciter…
Ben moi, j’ai appris à la connaître à un moment de ma vie où j’étais en miettes: Tout était en ruine dans ma vie professionnelle et personnelle: Je travaillais comme collaboratrice pour un associé qui pouvait me gueuler dessus parce que je me permettais d’aller à la poste entre 12h et 13h au lieu d’être disponible au bureau, qui pétait les plombs à cause d’une virgule oubliée dans un contrat ou encore qui ramenait sa chienne au bureau et la laisser pisser partout!
Dans ce contexte, mes premières conversations avec Marie m’ont fait beaucoup de bien car elle m’écoutait, me croyait et surtout me pousser à ne jamais me laisser convaincre que j’étais NULLE ou que je méritais d’être méprisée! Marie a su me tendre la main à des moments de ma vie où j’en avais vraiment besoin. Merci encore ma chère sœur!
Quand je vois aujourd’hui qu’après son inscription sur TWITTER, la journée des Femmes Noires et Travail de 2016, la création de son agence NKALIWORKS (un réseau de spécialistes pour affronter le racisme dans le monde du travail), de son podcast (Better Call Marie) et aujourd’hui la sortie de son livre, je me dis WHAOUUUU! Quelle Femme! Quel Parcours de vie inspirant!!!!
Sur TWITTER, Marie est suivie par plus de 30.000 personnes et elle avait lancé le #JeudiSurvieAuTaf, qui lui a permis de partager des stratégies au prisme de l’intersectionnalité.
Aujourd’hui, dans son livre, Marie donne, pour chaque cas, son expertise et les clés légales et psychologiques pour survivre à des situations quotidiennes.
C’est quoi le visage de la domination au travail et dans notre société ?
Comment vit-on cette norme hégémonique alors qu’on n’est ni blanc·he, ni homme, ni hétérosexuel·le, ni valide ?
Faut-il négocier des espaces pour exister ou bien partir ?
Comment faire respecter son humanité dans ces équipes où on passe la plupart de son temps ?
Comment répondre aux micro-agressions et au déni de compétences quand on est une personne minorisée ?
Marie a réuni dans ce livre son expérience et ses conseils les plus sollicités. En utilisant neuf cas, qu’elle nomme affectueusement « les Pépites », elle permet à la personne qui la lit de trouver les réponses à sa propre situation. Pour chaque Pépite, Marie décrit le problème, puis donne son expertise. Elle livre ainsi des clés pour relever la tête.
Je me suis reconnue dans chaque petite histoire partagée dans ce livre. J’y ai trouvé du réconfort chaque fois que Marie a pu donner des conseils avisés à ces Pépites. Je me suis même attachée à ces personnes tellement je les comprenais dans leurs luttes quotidiennes pour plus de dignité et de respect.
Que ce soit Emmanuelle, Marjane, Vincent ou Josepha, chaque cas est décortiqué pour sortir d’une situation qui semblait inextricable! Et une chose qui m’a sauvée à plusieurs reprises, c’est de ne jamais donner de l’énergie et du temps à des personnes qui souhaitent uniquement vous rabaisser et vous déshumaniser. Avec la technique des « 300 secondes », on découvre un outil de gestion de notre temps par rapport à l’oppression. L’objectif, c’est de réduire le temps qu’on passe à justifier de son humanité. Il faut le voir comme une « espèce de digue mentale ». En préservant notre temps des oppresseurs, on ne leur donne pas accès à nos émotions.
« On se dit : J’ai 300 secondes dans la journée à consacrer au racisme ou au sexisme.
Ça veut dire que je ne perds pas de temps à débattre sur Internet, ou à rentrer dans des discussions qui vont prendre toute mon énergie au boulot, parce que j’estime que j’ai mieux à faire.
Dans ces conversations, il faut adopter des réponses lapidaires.
Il y a quelque chose de vicieux dans le fait de demander, à une personne que l’on sait musulmane, ce qu’elle pense de ce que Zemmour a dit la veille.
Cette personne, au lieu de se lancer dans une justification, peut répondre : « Moi je ne parle pas politique au boulot, je ne suis pas là pour discuter de Zemmour »
POINT FINAL
Ce livre est aussi un plaidoyer politique pour résister au racisme, pour changer les règles du jeu et transformer durablement la société. Marie invite chaque personne à ne pas rester à sa place et retrouver son humanité perdue. Comme elle le dit souvent : « Ils ne nous auront pas! » Parfois, face à l’hostilité et aux oppressions quotidiennes, on peut se sentir perdu.e et décontenancé.e mais avec ce livre, on découvre des situations analysées avec objectivité qui permettent de mettre un stop à des situations invivables! Et puis, nous n’avons pas à nous excuser d’être là!
Ce manuel d’autodéfense est aussi une forte critique du monde dans lequel nous vivons, où être minoritaire est déjà vu comme une défiance. Marie œuvre pour que chaque personne minorisée trouve une place digne et à sa hauteur dans le monde du travail. Comme elle le dit si bien, on ne peut pas hypothéquer sa santé mentale, c’est trop précieux, donc il faudrait apprendre à se prioriser et à prendre place dans des espaces où on ne veut pas de nous tels/telles que nous sommes. Et surtout, il ne faut pas hésiter à partir quand trop c’est trop!
Comme l’a rappelé Marie lors d’un évènement pour présenter son livre, son travail ne saurait se substituer à une thérapie parce qu’elle n’en a pas les qualifications. Un psychologue nous écoute et nous donne des axes de réflexion. Ce que Marie fait dans son travail, c’est d’intervenir sur la stratégie, quelque chose de très terre-à-terre, par exemple comment tu vas te présenter pour aller affronter ton manager lundi matin, qu’est-ce qu’on va lui répondre? Marie compte bientôt reprendre des études en psychologie du travail pour devenir une meilleure coach.
Comme vous l’avez compris, je recommande vivement la lecture de ce livre qui, pour moi, devrait être remboursé par la Sécurité Sociale tellement il fait du bien au moral. Marie, encore un grand MERCI d’être toi et de partager ta magie avec ta communauté. Et qu’ils ne veuillent ou non, « on est ensemble au SOMMET! »
Pour découvrir le podcast de Marie c’est ici: Better Call Marie
Pour commander son livre :